Comment piloter et réussir le virage inclusif en économie sociale ?
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Comment piloter et réussir le virage inclusif en économie sociale ?

08 nov. 2023

La prise de conscience relativement récente en faveur de l’ÉDI dans le mouvement de l’économie sociale s’explique en grande partie, en plus du contexte actuel propice, par les valeurs de l’économie sociale. Et, pour concrétiser sa bonne volonté et son désir d’être représentatif et inclusif, le mouvement doit agir à trois niveaux : la compréhension des obstacles systémiques à l’inclusion, la construction d’une vision commune de la diversité et un appui conséquent aux petites organisations.




Une prise de conscience à un moment opportun

Ces dernières années, beaucoup des grandes organisations de l’économie sociale ont lancé des initiatives et mené des actions en faveur de l’équité, la diversité et de l’inclusion (ÉDI). Par exemple, la maison de l’économie sociale, le Chantier de l’économie sociale, le TIESS et le CSMO-ÉSAC mènent actuellement un laboratoire d’inclusion en partenariat avec l’Institut de recherche sur l’immigration et les pratiques interculturelles et inclusives (IRIPII) du collège de Maisonneuve de Montréal. L’objectif du laboratoire est, d’une part, de documenter les obstacles à l’inclusion dans le mouvement et, d’autre part, d’apporter des réponses aux enjeux identifiés. La CDEC de Québec a par ailleurs lancé un parcours de formation en ÉDI pour les accompagnateur.trices en entrepreneuriat. Le parcours en est à sa troisième cohorte. Tout récemment, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) a tenu son assemblée annuelle de concertation dont le thème retenu était l’ÉDI. Certains pôles d’économie sociale ont également organisé des événements en faveur de l’ÉDI. LE CSMO-ÉSAC a de son côté mis en place une formation intitulée L’ÉDI, par et pour l’ÉSAC, et s’apprête à développer des outils sur le thème de la GRH et de l’ÉDI s’adressant aux gestionnaires. En fait, on note une prise de conscience dans le mouvement, qu’en ce qui a trait à la diversité et à la représentativité, il y a beaucoup de choses qui restent à faire, que celui-ci n’a pas toujours été exemplaire.

On remarque aussi une volonté d’agir afin de rendre les organisations plus représentatives de la société québécoise. Si les raisons de cette prise de conscience sont multiples, deux se démarquent : la pénurie de main-d’œuvre actuelle qui n’épargne pas les entreprises collectives et le contexte sociopolitique avec des mouvements sociaux tels que le Black Lives Matters, Me Too ou encore l’indignation suscitée par les pensionnats autochtones. La prise de conscience, les débats et les initiatives qui ont suivi permettent également de comprendre que l’économie sociale et l’ÉDI partagent les mêmes valeurs de solidarité, d’ouverture, de démocratie ou encore de justice sociale. Ainsi, il y a une certaine sincérité de la part des acteurs du mouvement dans leur désir de s’ouvrir et de se rapprocher des personnes issues des groupes sociaux dits sous-représentés et d’être inclusifs. Mais alors comment s’ouvrir et se rapprocher de ces personnes et devenir représentatif et inclusif ? En d’autres termes, comment faire de l’ÉDI en économie sociale ?

Qu’est-ce que l’ÉDI ?

Pour répondre à ces deux questions, il importe d’abord de savoir ce qu’est vraiment l’ÉDI et d’expliquer le contexte actuel dans lequel il suscite beaucoup d’intérêt de la part de tous et de toutes. On peut définir l’ÉDI comme l’ensemble des initiatives, des politiques, des programmes et des actions que mettent en place les organisations dont l’objectif est de reconnaitre la situation défavorable de certains groupes sociaux (Premières Nations, les personnes racisées, les personnes handicapées, les femmes, les LGBTQ2S+, etc.) et de s’adapter à la spécificité de ces groupes qui sont depuis très longtemps marginalisés dans diverses sphères de la société. Elle repose sur deux axes : la représentativité et l’inclusion. L’ÉDI est avant tout une question morale et de droits fondamentaux. Toutefois, elle s’est imposée pour des raisons économiques, notamment du côté des entreprises privées, plus précisément celles de la finance et des multinationales. Et, paradoxalement, le mouvement de l’économie sociale a beaucoup de choses à apprendre du secteur privé en ce qui a trait aux pratiques de l’ÉDI.


Par ailleurs, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’ÉDI n’est pas quelque chose de nouveau : elle date de la guerre de Sécession américaine avec les esclaves affranchis et elle s’est concrétisée dans les années soixante avec le mouvement des droits civiques, mais surtout grâce à la deuxième vague du mouvement féministe. Elle a eu une origine raciale, ethnique, et a pris corps grâce au féminisme. C'est une approche de la gestion de la diversité, tout comme l’est l’interculturel, qui est le modèle québécois d’aménagement de la diversité par excellence. Ainsi, au Québec, si l’on veut réussir nos initiatives et nos projets en ÉDI, il faudra nécessairement considérer les spécificités du modèle interculturel québécois et aussi prendre en compte certains dispositifs juridiques tels que la Charte des droits et libertés, la Loi sur l’accès et l’égalité en emploi ou encore la Loi canadienne en matière d’équité en emploi. Comment faire si on veut réussir l’ÉDI en économie sociale ?

Agir sur trois niveaux

Pour réussir l’ÉDI en économie sociale, il faut poser trois actions :

1- Comprendre les obstacles à la représentativité dans le mouvement et les défis de l’inclusion des individus appartenant aux groupes vulnérables

À ce propos, il est essentiel d’avoir un portrait réaliste du mouvement en ce qui a trait à la diversité avec des données quantitatives et qualitatives fiables. C’est l’objectif du projet de laboratoire d’inclusion cité plus haut.

2- Dégager une vision commune du mouvement


Avec des données fiables, il devient facile de définir une vision. En ÉDI, la vision est primordiale : elle permet de tracer une feuille de route, mais également de s’ajuster et de s’adapter face aux enjeux et défis de la diversité, qui évoluent sans cesse. Une vision claire et commune permettrait aussi d’aller au-delà des effets de mode. À ce titre, le CSMO-ÉSAC travaille depuis plus de quinze ans sur les enjeux de la diversité en développant une vision structurante, transversale et large de la diversité. Grâce à son approche, l’organisme, qui siège dans divers comités consultatifs de la commission des partenaires du marché du travail, a aisément pu intégrer l’ÉDI dans ses actions et boites à outils tout en maintenant d’autres dimensions de la diversité tels que l’accessibilité, l’immigration et l’interculturel. C’est aussi avec une vision claire qu’on bâtit des politiques et des plans d’action porteurs. Le risque en ce moment avec les différentes initiatives notées çà et là dans le mouvement est de se retrouver avec des visions éclatées dans lesquelles personne ne se retrouve, même s’il faut respecter l’identité et la mission de chaque organisation.

3- Outiller nos petites organisations


Pour poser des actions concrètes, il faut des outils adaptés. C’est avec une bonne compréhension des enjeux et défis de la diversité et une vision claire qu’on construit des bons outils. La particularité du mouvement de l’économie sociale est que l’ÉDI a été pensée par et pour les grandes entreprises (de plus de cent employé-e-s) alors que les organisations de l’ÉSAC sont petites, voire très petites. S’y ajoutent des règles de gouvernance très spécifiques. D’où l’importance pour les grands regroupements de faire preuve de leadership pour accompagner, soutenir et outiller nos petites organisations. C’est en ce sens que le CSMO-ÉSAC a conçu et développé cette nouvelle formation, L’ÉDI, par et pour l’ÉSAC, une formation sur mesure pour outiller et accompagner les organisations de l’économie sociale et de l’action communautaire. En ÉDI, même si elle n’est pas une panacée, la formation continue demeure un outil incontournable.

Pour conclure, je dirais que c’est très encourageant et réjouissant de voir plusieurs organisations du mouvement de l’économie sociale lancer différentes initiatives et poser des actions en faveur de l’ÉDI qui, il faut l’avouer, est trop longtemps resté dans l’angle mort de l’économie sociale. Toutefois, plusieurs défis sont encore à relever. En effet, il faut se doter d’une vision commune (un gros défi), de ressources financières et d’expertises si l’on veut obtenir des résultats probants dans le moyen et long terme.

Auteur : Souleymane Guissé, chargé de projet à la formation et responsable des dossiers ÉDI et relations interculturelles.

Pour en savoir plus et vous inscrire à la formation L'ÉDI, par et pour l'ÉSAC, visitez le https://www.csmoesac.qc.ca/formations/ledi-par-et-pour-lesac